Paris, le 01 avril 2025 –
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Alors que la J12 souffle ses 25 bougies, Chanel profite du salon Watches and Wonders pour affirmer un positionnement horloger de plus en plus affirmé.
Derrière la nouvelle collection J12 Bleu — clin d’œil esthétique à l’audace de Gabrielle Chanel et prouesse technique en céramique haute résistance — se dessine la stratégie d’une maison qui, en dépit de ses 38 ans d’histoire horlogère, se veut un acteur à part entière de l’industrie.
« Notre existence est très courte à l’échelle du temps horloger », confie Frédéric Grangié, président de Chanel Montres et Joaillerie. « Mais nous avons choisi, dès le départ, la voie la plus exigeante : celle de la verticalisation, pour devenir un pure player. »
Intégration verticale et indépendance stratégique
Ce choix de l’exigence s’est traduit par des investissements continus dans la chaîne de valeur.
Chanel a pris des participations dans des maisons indépendantes telles que Romain Gauthier, F.P. Journe ou MB&F, mais aussi dans la manufacture Kenissi, copropriété avec Tudor (Rolex).
En parallèle, l’acquisition d’Inmatech, un producteur allemand de céramique technique, a permis à la maison de maîtriser l’intégralité du processus, de la matière première au produit fini.
« À ma connaissance, seuls trois acteurs suisses disposent aujourd’hui de ce degré de verticalisation. Nous en faisons partie », souligne Grangié.
Une rareté qui conforte Chanel dans son statut à part dans l’univers horloger, et qui contribue également à son rôle de fournisseur auprès d’autres maisons.
La céramique, les boucles brevetées ou encore les mouvements Kenissi sont aussi présents chez certains concurrents.
La J12 Bleu : une obsession créative
Le lancement de la J12 Bleu n’a rien d’anecdotique.
Il s’agit d’un projet long de cinq ans, mobilisant 150 tests et la création de 24 nuances avant d’arriver au bleu mat imaginé par Arnaud Chastaingt, directeur du studio de création horlogère de Chanel.
« Ce bleu incarne notre manière de faire du produit : une exigence extrême, même lorsque cela coûte une fortune », affirme Grangié.
Une manière aussi de rappeler que la création, chez Chanel, ne répond pas à des cycles saisonniers ou à des tendances opportunistes, mais à une logique de permanence et de singularité.
Une approche féminine assumée
L’ancrage de Chanel dans l’horlogerie s’est construit avec une spécificité forte : celle de parler à un public féminin, historiquement peu adressé par les maisons suisses traditionnelles.
De la montre Première en 1987 à la J12 en céramique noire ou blanche, Chanel a su séduire une clientèle en quête d’élégance, de fonctionnalité et d’originalité.
« Nous sommes plus féminins que masculins par essence, et c’est ce qui nous rend uniques dans cet univers », note Grangié. Pourtant, la J12 attire aussi une clientèle masculine, notamment au Japon, où un tiers des ventes sont réalisées auprès d’hommes.
Le modèle J12 incarne cette porosité croissante des genres dans l’horlogerie, tout en préservant une ligne identitaire forte. « Ce qui est différenciant, c’est que si vous aimez ce que vous voyez chez Chanel, vous ne le trouverez nulle part ailleurs. »
Au-delà du produit : une stratégie multidimensionnelle
La montée en puissance de Chanel dans l’horlogerie ne repose pas uniquement sur le produit.
Elle s’appuie également sur une vision holistique qui intègre la formation des équipes en boutique, la distribution sélective, et une communication plus discrète, recentrée sur la création elle-même.
« Les ambassadeurs resteront en retrait. Nous voulons que la communication reflète avant tout le savoir-faire et la singularité du produit », indique Grangié.
Cette logique se matérialise aussi à travers des projets atypiques comme la Chanel J12 Boat Race, première incursion de la maison dans le sponsoring sportif.
Organisée entre Oxford et Cambridge, cette régate s’inscrit dans une filiation d’excellence intellectuelle et physique, loin du tapage commercial. « Ce n’est pas une affaire d’argent. C’est une histoire d’héritage et de valeurs partagées », affirme-t-il.
Croissance raisonnée dans un marché mature
Alors que l’ensemble du secteur du luxe connaît un ralentissement, Chanel refuse de céder à la panique. Pour Grangié, il s’agit moins d’un retournement que d’un réajustement salutaire. « Personne n’a besoin d’une montre de plus. Ce qui motive l’achat, c’est une création unique et une intégrité produit irréprochable. »
Chanel se positionne ainsi à contre-courant d’une logique de croissance rapide ou de volume.
Loin des effets d’annonce, la maison poursuit son développement à son rythme, avec constance et exigence. Selon les estimations de Morgan Stanley et LuxeConsult, le chiffre d’affaires horloger de Chanel est passé de 130 millions de francs suisses en 2017 à 380 millions en 2024, lui permettant d’intégrer pour la première fois le top 20 des ventes mondiales, à la 18ᵉ place.
Vers un avenir horloger singulier
À l’aube de ses 40 ans d’horlogerie, Chanel assume sa jeunesse et revendique une maturité créative acquise à force d’investissements, de convictions et de patience.
« Il faut distinguer le luxe du business du luxe », conclut Frédéric Grangié. « Le luxe, lui, survivra toujours — mais à condition de rester fidèle à sa définition : création, excellence et intégrité. »
Chanel a lancé sa première montre, la Première, en 1987.
Elle célèbre ainsi 38 ans d’activité horlogère en 2025 et fêtera ses 40 ans en 2027.
Crédit photographie : CHANEL
Source : WWD
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