Paris, le 12 décembre 2024 –
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Le géant du capital-investissement Carlyle Group a mis en pause ses investissements dans le secteur du luxe, marqués par des difficultés économiques et des tensions sur le marché de la consommation haut de gamme.
Cette décision, rapportée par des sources proches du dossier, reflète les défis croissants d’un secteur autrefois florissant, aujourd’hui freiné par la hausse des taux d’intérêt, l’inflation, et un ralentissement des ventes en Chine.
Carlyle, qui avait marqué le secteur avec des succès rétentants tels que Moncler, quadruplant ses investissements, et Golden Goose, a depuis rencontré des obstacles majeurs.
Bien que Golden Goose ait récemment repoussé son introduction en bourse, la performance de certaines acquisitions récentes, comme Dainese et End Clothing, souligne les difficultés structurelles et financières actuelles.
Un contexte macroéconomique défavorable
La hausse des coûts d’emprunt et le resserrement des budgets des consommateurs concernent l’ensemble des acteurs du secteur.
Des maisons historiques comme LVMH et Kering enregistrent elles aussi une baisse des performances boursières.
Selon un rapport de Bain & Co., le marché mondial du luxe a connu son premier recul significatif hors crise pandémique en 2024, avec une contraction de 2 %.
Un repositionnement stratégique
Carlyle ne se retire pas complètement du luxe mais se concentre sur des secteurs jugés plus prometteurs, comme la technologie.
Selon Oliver Chen, analyste chez TD Cowen, le défi de concurrencer les mastodontes intégrés verticalement comme LVMH reste immense.
En attendant, les startups européennes du luxe, habituées à se tourner vers le private equity pour leur expansion, pourraient souffrir de cette rare prudence dans un secteur qui symbolisait jusque-là une success story européenne unique.
Carlyle freine ses investissements dans le luxe : un signal pour un marché en mutation
Après avoir transformé des marques comme Moncler et Golden Goose en success stories emblématiques, Carlyle Group, acteur majeur du capital-investissement, a choisi de ralentir ses investissements dans le secteur du luxe européen.
Ce repositionnement stratégique met en lumière les défis croissants auxquels le marché est confronté, dans un contexte de consommation en berne et d’incertitude économique globale.
Un retrait temporaire ou un changement de paradigme ?
L’annonce marque une rupture nette avec la stratégie qui avait permis à Carlyle de générer des rendements impressionnants.
Moncler, sous sa direction, avait vu sa valorisation quadrupler, tandis que Golden Goose a surfé sur la vague des sneakers de luxe, devenant une référence mondiale.
Pourtant, les conditions actuelles rendent difficile la reproduction de tels succès.
Selon des sources proches, Carlyle a suspendu ses investissements dans les entreprises de consommation en Europe et en Amérique du Nord.
Cette décision fait écho à une levée de fonds plus lente que prévue sur le continent, combinée à des taux d’intérêt élevés qui compliquent les transactions de rachat.
« Le marché du luxe est confronté à des vents contraires structurels et conjoncturels », souligne Jérôme Souied, associé chez Kearney à Paris. « Les modèles économiques qui ont porté leurs fruits dans les années 2010 doivent être réévalués face à une équation économique plus complexe. »
Des investissements sous pression
Certains des récents paris de Carlyle illustrent cette réalité. Dainese SpA, fabricant italien de vêtements haut de gamme pour motards, a affiché une perte de 40 millions d’euros en 2023, après avoir été pénalisé par un surstockage en Europe et une baisse de la demande en Chine.
End Clothing, autre acquisition récente, a été cédé à Apollo Global Management après des performances décevantes et des difficultés logistiques.
Même Golden Goose, fleuron du portefeuille Carlyle, a vu son introduction en bourse rapportée par son propriétaire Permira, en raison de craintes liées à la valorisation.
Une pause dans un marché en ralentissement
Le secteur du luxe, autrefois perçu comme résilient face aux crises, traverse une phase de ralentissement.
Selon Bain & Co., les ventes de produits de luxe personnels devraient reculer de 2 % en 2024, marquant leur première contraction hors pandémie depuis la crise financière.
Le ralentissement économique en Chine, combiné à une baisse des dépenses discrétionnaires des consommateurs européens et américains, avec sous pression des marques autrefois florissantes.
Vincent Barbat, associé chez Kearney, estime que cette tendance pourrait durer. « Les consommateurs, notamment de la génération Z, réévaluent leur rapport au luxe. Pour beaucoup, une pièce intemporelle suffit, ce qui réduit la fréquence des achats. »
Quelles perspectives pour le private equity dans le luxe ?
Malgré ce ralentissement, Carlyle ne renonce pas au luxe.
Un financier senior de la firme précise que le groupe considère toujours le secteur comme une cible à long terme.
Toutefois, les nouvelles opérations seront plus sélectives, et les fonds se tourneront probablement vers des secteurs adjacents ou des marchés plus stables.
LVMH, Hermès et Kering, avec leurs modèles intégrés et leur domination des grandes capitales du luxe, accentuent également les barrières à l’entrée pour les nouveaux acteurs. « Rivaliser avec ces géants nécessite des investissements colossaux, notamment dans les réseaux de distribution et les relations clients », explique Oliver Chen, analyste chez TD Cowen.
L’Europe face à un défi industriel
Ce retrait du capital-investissement risque de pénaliser les startups européennes du luxe, qui comptent souvent sur ces fonds pour financer leur expansion internationale.
Des maisons comme Golden Goose avaient pu, grâce à Carlyle, s’imposer en Chine, au Japon et aux États-Unis en moins de trois ans.
La période actuelle pourrait bien être un moment charnière pour le secteur, redéfinissant les stratégies d’expansion et mettant à l’épreuve la résilience des marques face à des conditions économiques inédites.
Alors que Carlyle et d’autres fonds ajustent leur approche, une chose est claire : le luxe européen, symbole de succès industriel, entre dans une ère de transformation profonde.
Le jeu sera de savoir si cette industrie saura naviguer entre innovation et adaptation, dans un monde où le luxe reste un désir, mais n’est plus un besoin.
Carlyle a décidé de ralentir ses investissements dans le secteur du luxe en raison de plusieurs facteurs économiques, notamment la hausse des taux d’intérêt, l’inflation, et le ralentissement des ventes sur des marchés clés comme la Chine.
Ces conditions rendent les acquisitions et les extensions moins rentables.
Crédit photographie : © Golden Goose
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