Paris, le 05 novembre 2024 –
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En s’installant au siège de Burberry à Horseferry House, Joshua Schulman, le quatrième PDG en dix ans, a pris les rêves d’une marque emblématique dont la mission de redressement semble aussi urgente qu’ambitieuse.
Avec des ventes en baisse et une chute de 40 % de son cours de bourse cette année, Burberry est désormais au centre de spéculations intenses, certaines évoquant une possible offre publique d’achat. Le groupe italien Moncler serait d’ailleurs intéressé, selon des sources proches du dossier.
Ni Burberry ni Moncler n’ont souhaité commenter ces rumeurs, mais cette perspective souligne l’attractivité et la vulnérabilité de l’illustre maison britannique.
Le secteur du luxe subit les effets combinés d’une inflation persistante et de taux d’intérêt élevé, des facteurs qui refroidissent les ardeurs de certains consommateurs.
Néanmoins, Burberry semble particulièrement en difficulté par rapport à ses paires.
Aux yeux de certains analystes, la marque peine à se positionner : son modèle économique, fortement axé sur des magasins d’usine pour écouler des produits à prix réduits, pourrait compromettre ses ambitions de montée en gamme.
La délicate question des magasins d’usine
Pour Burberry, les magasins d’usine représentent une épée à double tranchant.
S’ils génèrent près de 30 % des ventes et 50 % de la rentabilité de la marque, ils risquent aussi de diluer son image.
Ce réseau de points de vente permet d’écouler d’importants volumes de produits iconiques à des prix attractifs, attirant une clientèle avide de bonnes affaires, mais remettant en cause la cohérence de l’identité de marque. « Burberry veut progresser vers le haut de gamme, mais cette exposition aux points de vente à prix réduit compromet cette stratégie », observe Aurélie Husson-Dumoutier, analyste chez HSBC.
Les dilemmes stratégiques sont réels : les fermetures de ces magasins coûteraient cher, mais s’avèrent cruciales pour un positionnement plus haut de gamme.
Une telle transition, selon les analystes de Bank of America, pourrait influencer la valorisation de la marque. « Si Burberry adoptait un positionnement premium à la manière de Coach, le ratio cours/bénéfice que le marché appliqué à ces marques serait vraisemblablement réduit de moitié par rapport aux acteurs de luxe véritables », estime Ashley Wallace, analyste chez Bank of America.
La position actuelle de Burberry, entre milieu de gamme et luxe, rend la tâche de Schulman particulièrement complexe.
Recentrage sur l’identité de marque : le défi de la cohérence créative
Burberry a également subi trois changements de direction créative en seulement sept ans, chaque responsable ayant marqué la marque de son style et de ses choix esthétiques.
Le dernier en date, Daniel Lee, connu pour ses succès chez Bottega Veneta, a été chargé de redynamiser l’image de Burberry, mais ses créations pour la marque britannique n’ont pas encore eu l’impact espéré.
En juillet, le président Gerry Murphy a cherché à rassurer les marchés, affirmant que « la direction créative ne changerait pas ».
Pourtant, la stabilité reste difficile à atteindre pour Burberry, qui doit concilier tradition et modernité dans un marché ultra-compétitif.
Pour Sasha Kachanova, analyste chez abrdn, Burberry demeure avant tout un acteur de la mode prêt-à-porter plutôt que de la maroquinerie et des accessoires, secteurs plus lucratifs.
L’absence d’un sac ou d’un produit iconique auprès des nouvelles générations pourrait expliquer l’attrait modéré de la marque auprès des jeunes consommateurs, qui privilégient les marques plus branchées comme Jacquemus.
Une stratégie tarifaire sous la loupe
La politique de prix de Burberry fait également l’objet de critiques.
Les hausses de tarifs, trop rapides et mal calibrées, risquent d’aliéner certains clients ambitieux. « Burberry a augmenté ses prix de manière excessive, et cela peut détourner une partie des jeunes acheteurs », explique Tom Delic, gestionnaire de portefeuille chez Momentum, détenteur d’actions Burberry.
D’autres, comme Kishica Arora, une cliente de 26 ans, affirme préférer des marques « plus tendance » lorsqu’il s’agit d’investir dans des produits de luxe à prix fort.
À l’aube de l’annonce des résultats semestriels de Burberry, le 14 novembre, les attentes autour de la stratégie de Schulman sont grandes.
L’avenir de Burberry repose sur des choix audacieux, impliquant un recentrage sur ses lignes phares et un équilibre délicat entre tradition et renouveau créatif.
L’entreprise, en se repositionnant, pourrait voir sa valorisation augmenter, mais au prix de réformes structurelles profondes et potentiellement coûteuses.
Dans un secteur où la perception de marque est primordiale, le défi de Burberry réside autant dans sa capacité à séduire les jeunes générations que dans son aptitude à retrouver une identité forte.
Les mois à venir seront décisifs pour cette marque historique, et Schulman devra faire preuve de finesse stratégique pour redéfinir un luxe britannique en quête de pertinence et de renouveau.
Burberry traverse une période de turbulences, marquée par une baisse de ses ventes et une chute de 40 % du cours de son action cette année.
En plus de l’inflation et des taux d’intérêt élevés, qui impactent la consommation dans le secteur du luxe, la marque est confrontée à des choix stratégiques difficiles, notamment autour de ses magasins d’usine et de son positionnement.
- Crédit photographie : © Burberry
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